Colloque international - Université de Sherbrooke (Campus Longueuil), 28 septembre - 29 septembre 2016
Dictionnaires et sociétés
Problématique
Dictionnaires, culture numérique et décentralisation de la norme dans l’espace francophone
Maintenant qu’Internet a rendu disponible une quantité innombrable de savoirs humains, que Wikipédia a avantageusement remplacé les encyclopédies traditionnelles et que se multiplient les projets collaboratifs, quel est le destin du dictionnaire de langue dans l’espace francophone?
L’arrivée du numérique dans le monde de la lexicographie a redéfini le rapport à l’espace, contrainte importante des dictionnaires papier, et a permis le développement de multiples fonctionnalités (infobulles, hyperliens, recherche plein texte, historique de la consultation, etc.).
Ensuite, elle a aussi posé les questions d’accessibilité des contenus, notamment en raison de la concurrence entre contenus gratuits et contenus payants.
Aujourd’hui, de nouvelles habitudes de consultation commencent à s’implanter et les jeunes générations grandissent sans parfois ouvrir de dictionnaires papier. Dans ce contexte, ce colloque vise à réfléchir à l’évolution du rôle symbolique du dictionnaire, à sa légitimité comme autorité linguistique et à l’effet que ce décloisonnement peut avoir sur la perception de la langue et sur la notion de « norme ».
Quatre axes seront privilégiés :
1) La légitimité des dictionnaires « professionnels »
Qu’ils n’existent qu’en version papier (ex. Le petit Larousse millésimé), qu’ils aient été conçus en version papier mais que la numérisation leur permette une seconde vie (ex. TLFi) ou un second marché (ex. Petit ou Grand Robert), ou qu’ils aient été entièrement conçus en version numérique (ex. Usito), les dictionnaires dits « professionnels » désignent ici les dictionnaires conçus et rédigés par des lexicographes professionnels. Les usagers leur accordent-ils une crédibilité particulière? Une utilité spécifique? Anciennement outil ultime de référence, le dictionnaire professionnel perd-il de sa légitimité en passant de la version papier à la version numérique (sur support informatique ou en ligne)? Quel est le rôle du lexicographe professionnel?
2) Les dictionnaires collaboratifs, dictionnaires participatifs et dictionnaires par l’usager
Qu’ils soient le fruit d’une équipe restreinte, ou ouverts aux apports des usagers, avec ou sans système rigoureux de validation, ces dictionnaires ont la particularité d’être conçus et rédigés par des lexicographes profanes. Sont-ils complémentaires aux dictionnaires professionnels, destinés à les alimenter, à les remplacer ou à les faire disparaître à force de les piller? Quels sont leurs apports particuliers? En quoi comblent-ils des besoins que ne pouvaient combler les dictionnaires professionnels?
3) Effets d’une lexicographie multiple sur les représentations de la langue
La langue est-elle passée d’un savoir maîtrisé par une élite surscolarisée à un bien commun analysable par tous? Ce que certains appellent la « démocratisation des savoirs » – qui serait créée autant par l’accessibilité nouvelle à une multitude de données diverses, que par la possibilité nouvelle de produire du contenu – a-t-elle des effets concrets sur les représentations de la langue et sur la langue elle-même? Est-ce que la notion de norme est en train de changer et, surtout, dans quelle direction? Dans quelle mesure les « nouveaux » lexicographes contribuent-ils à en modifier les contours? Peut-on supposer une tolérance accrue vis-à-vis des écarts à la norme établie par les instances officielles et, par conséquent, un nouveau profil de l’espace francophone de plus en plus polycentrique?
4) La nouvelle lexicographie et l’espace francophone
Dans quelle mesure est-ce que ces nouvelles typologies de dictionnaires contribuent à modifier la configuration de l’espace francophone? Est-ce que les nouvelles plateformes en ligne favorisent l’intégration d’un lexique non-hexagonal et parviennent, de ce fait, à modifier les représentations concernant les relations entre la France et les autres zones de la francophonie? Quelles sont les retombées de ce phénomène au niveau identitaire? Est-ce que ces dictionnaires parviennent à créer (ou à recréer) une nouvelle identité francophone?